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Message  Jakes Mer 27 Jan 2016 - 22:17

SIRELI 211

Mais comment fait-il ? Virevoltant entre mysticisme et discipline, l’ailier fidjien de la Section Paloise Sireli Bobo fête ses 40 ans jeudi. Il livre son secret
Comment faites-vous pour jouer à 40 ans ?

Sireli Bobo. Ce n’est pas le chiffre qui importe, c’est la manière dont tu te prépares physiquement, mentalement, spirituellement.

Les joueurs âgés se plaignent souvent des lendemains difficiles. Quel est votre secret ?

À tous les gens qui me posent cette question, je réponds que c’est la manière dont je mène mon existence. Je m’impose une discipline. Avant, j’étais comme tous les autres joueurs : tu joues et tu passes toute la nuit dehors à boire des verres. Du coup, tu n’es pas en forme. Comment peut-on faire, quand on a mon âge, pour sortir jusqu’au bout de la nuit après avoir joué 80 minutes ? Si tu prends soin de ton corps, ton corps prend soin de toi.

Qu’est-ce que ça représente pour vous d’être le plus vieux joueur du championnat ?

C’est juste un nombre (rires). Ma femme me dit, "oh non, tu vas avoir 40 ans". Mais tout est dans la tête.

Jusqu’à quel âge espérez-vous jouer ?

En 2011, j’ai rencontré un pasteur qui m’a demandé mon âge. Il m’a dit qu’il voyait la discipline que je m’imposais, ma forme physique, et que je pourrais jouer jusqu’à 40 ans et plus. Je lui ai serré la main en lui disant que je le croyais parce que c’est un homme de Dieu. Maintenant, on est dans la partie de la phrase où il disait "et plus".

Le plus âgé du Top 14
Sireli Bobo est actuellement le joueur le plus âgé du Top 14. Un titre que seul Sébastien Bruno lui disputait jusqu’à la fin de la saison dernière, mais l’ancien talonneur de Toulon et de l’équipe de France, qui a raccroché les crampons à 40 ans, est devenu entraîneur à Lyon. Si le deuxième ligne clermontois Jamie Cudmore et le troisième ligne palois Jean Bouilhou jouent encore à 37 ans, Sireli Bobo n’a pas de rival chez les arrières, hormis peut-être son coéquipier Damien Traille (36 ans). Les deux hommes jouaient déjà ensemble à Biarritz il y a 11 ans…

Au quotidien, à quel régime vous astreignez-vous ?

Je n’aime pas les choses sucrées. Je ne prends pas de petit-déjeuner, ou seulement avec ma famille de temps en temps. Et dans ces cas-là, je ne prends qu’une tasse de thé. Depuis que je suis ici [Sireli Bobo est arrivé à Pau en tant que joker de Mathieu Acebes en octobre 2015], j’ai pris trois kilos parce qu’on doit manger ensemble au stade le midi : je n’aime pas trop ça, j’essaie d’éviter. Je fais l’effort, car l’équipe passe avant moi. Je suis très discipliné au niveau de mon alimentation. La viande, c’est uniquement le week-end après les matches. Ce que j’aime, c’est la soupe, la soupe, et la soupe (sourire) !

Vous dites ne pas toujours avoir été ainsi. Qu’est-ce qui a fait office de déclic ?

Ce n’est pas seulement récent. Ma mère était très croyante. J’étais enfant unique et j’ai été élevé dans la voie de Dieu. Quand je suis arrivé en France, comme les autres joueurs fidjiens, j’ai eu la liberté de faire la fête, de boire. Mais à chaque fois que je revenais chez moi, ma mère me disait : "Mon fils, tu dois avoir une vie sérieuse." Ma femme aussi d’ailleurs, qui est plus croyante que moi. Elles priaient toutes les deux pour que je rentre dans le droit chemin, elles ont été entendues. Quand les jeunes joueurs fidjiens arrivent ici, il n’y a pas les parents : ils jouent au rugby et on leur donne de l’argent. Ils peuvent se laisser aller.

Dans un entretien accordé à "L’Équipe" (1), vous aviez déclaré avoir retrouvé la foi en regardant un DVD en fin de soirée…

Oui (sourire). J’étais saoul après être sorti toute la nuit dans le club d’un ami après un match à Paris. Je suis rentré chez lui et j’ai regardé ce DVD. J’avais l’impression qu’il s’adressait directement à moi. Pff (sourire)… Dieu m’a béni. Si tu donnes ta vie à Jésus, il te tend la main. Comment pourrais-je, à 40 ans, être un ailier qui court comme un jeune joueur alors qu’on ne voit pas ça en Super Rugby ou chez les Anglais ? Je ne vois pas d’autres explications.

Quand vous êtes arrivé à Pau, vous avez réuni les Fidjiens de la Section. Est-ce pour leur faire passer ce message ?

Ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Avant que j’arrive, l’année dernière, certains joueurs faisaient des erreurs en dehors du terrain. Simon (Mannix) m’a appelé : il voulait que je vienne parce qu’il pensait que je pouvais encore jouer bien, mais aussi pour les aider à retrouver de la discipline. Désormais, on va à l’église tous les dimanches et après on mange tous ensemble. Ce qui se passe en dehors du terrain est le principal problème des joueurs du Pacifique. Aussi bon un joueur soit-il, il doit d’abord être discipliné.

Vous êtes pasteur : comment l’êtes-vous devenu ?

Après une année en tant que membre de la communauté de mon église aux Fidji, je le suis devenu. Je suis heureux de jouer, mais je le serai aussi quand j’arrêterai parce que je sais quelle sera la vie que je mènerai. Je ne sais pas quand ce sera, je ne connais pas le plan de Dieu pour moi. Pour l’instant, j’ai un rôle auprès des joueurs ici mais aussi à Biarritz. Mais avant cela, le joueur de rugby que je suis prend toujours autant de plaisir à jouer.

Repères
Sireli Bobo a joué à Biarritz (2005-2007), au Racing (2007-2013), à La Rochelle (2014-2015), à Toulon (2015 en tant que joker Coupe du monde) avant d’arriver à Pau.

Vous jouez en France, mais vous avez débuté votre carrière en Europe au Portugal, à Cascais (1999-2000), puis en Espagne, à Madrid (2000-2002). Comment avez-vous atterri là-bas ?

Avec mon club aux Fidji, on a fait une tournée de rugby à 7 en Europe. Et c’est au Portugal qu’elle a commencé. On est ensuite passé à Madrid puis à Biarritz. Le président de Cascais est venu me voir en me demandant si je jouais arrière, j’ai dit oui (rires) alors que j’étais pilier à 7 ! J’ai joué un an au Portugal avant d’aller à Madrid. Après deux ans là-bas, j’ai préféré rentrer aux Fidji : j’avais un plan pour revenir.

Avec Madrid, vous aviez joué un match de Challenge contre Pau en 2001. Vous en souvenez-vous ?

Oui (sourire). Je ne peux pas l’oublier ! Je voulais bien jouer parce que je me disais que ce serait une manière de me faire recruter comme ailier par un club français.

Vous avez joué en Europe, mais aussi en Nouvelle-Zélande et au Japon. Que retenez-vous de toutes ces expériences ?

Dans chaque pays, j’ai appris différentes choses. J’aime beaucoup la France, pour la nourriture, la manière de vivre. C’est là où j’ai passé le plus de temps. Mais je préfère plus encore les Fidji.

(1) En 2014, quand il jouait à La Rochelle.

Article à paraître dans l'édition du jeudi 28 janvier

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